Mémoires de Dolmencée
Posté : sam. juin 16, 2018 5:10 pm

Illustration: Alexandre-Jacques Chantron, Les Feuilles mortes (1902)
Alors que devant moi se noircissent les pages où se canalise ma frénésie, je me rends compte de la maladresse de ma main,
de la négligence de ma plume. Pourtant, je ressens la nécessité de continuer, de laisser cette trace imparfaite de ce que j’ai vécu,
avec l’intuition et l’espoir que mes écrits, bien que raturés, fourniront à certains la preuve de leur ignorance.
Comme tous les « élus » d’Adamantia, je n’ai jamais compris pourquoi les fées m’avaient choisie,
ma présence sur l’île ne faisait aucune logique. Pourtant, rejetant l’oisiveté dans laquelle certains se complaisaient,
j’ai choisi de me mettre en quête de réponses.Durant des jours faits d’isolement et de quiétude j’errais dans les montagnes,
m’imprégnant du silence glacé de cette terre qui allait devenir mon foyer. Je ne savais pas ce que je cherchais exactement…
en réalité, je fuyais Port Turquoise et la masse insipide des résignés qui attendaient leur sort la gueule béante.
Ils me répugnaient, me renvoyaient à ma propre impuissance, j’aurais pu tout accepter, sauf de devenir comme eux.
J’ai alors rencontré Gladys et Cornélia, et d’errance solitaire, je suis passé de théories en enseignements divers.
Elles me guidèrent vers une voie qui semblait tellement simple, tellement évidente : les fées étaient l’ennemi,
c’était elles qui m’avaient enfermé sur ce plan, m’empêchaient de sortir et cherchaient à déterminer mon avenir.
Il fallait les détruire, cela ne faisait aucun doute.
Je me suis alors concentrée sur cette tâche, grimpant les échelons de la hiérarchie de Libertia, me mettant aux ordres de Gladys
puis prenant sa place lorsqu’elle trouva le moyen de s’échapper, nous abandonnant à notre sort… Je fus alors élue dirigeante.
J’allais mener ces hommes et ces femmes vers leur liberté, en leur offrant la marque que Gladys n’avait déniée apposée elle même.
J’allais être leur sauveuse, n’abandonnant personne.
Mais le portail qu’avait emprunté Gladys se ferma quelques jours plus tard ne me laissant pas la possibilité d'offrir à mon peuple le salut.
Port Turquoise s’opposait toujours à nous, j’étais terriblement seule mais un jour l’espoir revint en la personne de Vésperal de Saint-Clair.
Non. Il m’apporta plutôt le désespoir et l’acceptation de ce dernier au travers de sa foi sans limite envers le Seigneur Noir.
Je devins véritablement lucide en embrassant le culte du Tyran, moi qui méprisais la faiblesse de ceux se complaisant dans l’inactivité,
qui rêvais d’action et de solutions, je trouvais la poigne ferme de la Main noire. Je me suis dévouée à le servir.
Ainsi naquit sous notre impulsion le saint Ordre Noir.
